Un retour surprenant [1]

Il était tard. Mais peu importait. Rien n'importait vraiment en ce jour, si ce n'est le fait de rentrer... enfin, chez soi. Mais Matt devait bien avouer qu'il avait peur. Une appréhension le hantait depuis qu'il s'était retrouvé coincé dans ce village, en Grèce, et que ses proches l'avaient sûrement pris pour mort... lui, mais aussi sa soeur Esse. Il craignait la réaction de ceux qu'ils aimaient et surtout... les actes qui avaient suivis. Moins pour lui que pour sa soeur, à vrai dire. Mais qu'aurait-il fait, lui, s'il avait cru Sydney morte ? Il aurait peté un plomb, très certainement et puis... il aurait tenté d'oublier. Dans les bras d'une autre. De deux autres. De plein d'autres ! L'amour de Micka, son meilleur ami, après toutes les épreuves qu'ils avaient enduré, lui et Esse, était-il assez fort pour tenir tout ce temps ? Pour tenir toute cette peine et la déception qui avait dû l'accompagner ? Pour tenir toute cette envie de reprendre sa liberté, peut-être pas celle d'un homme célibataire, mais celle d'un homme libre, d'un homme accusé à tort et qui veut simplement revivre ?

Parce que Micka devait être libre, à présent. Seul, mais libre. Quoi que seul, c'était moins certain, et c'était bien ce qui effrayait Matt. Il craignait aussi la réaction de Sydney. Si elle avait déjà tourné la page, il aurait beaucoup de mal à l'accepter, mais en même temps il ne pouvait que comprendre. Elle l'avait sans doute cru mort... passer le reste de sa vie à attendre un mort n'était franchement pas l'idéal... Mais peut-être que Sydney avait gardé la foi ? Il n'en avait aucune idée.
Il s'était imaginé un million de fois comment elle avait dû réagir lorsqu'elle était retournée à l'hôtel et qu'elle avait vu l'état dans lequel il devait se trouver et surtout... l'absence des deux êtres qu'elle aimait.
Il avait imaginé bien plus de fois encore qu'il lui était arrivé quelque chose, à elle aussi, et que lorsqu'il allait sonner à la porte de l'appartement qu'il partageait avec elle, ce ne serait pas sa Sydney qui ouvrirait mais un parfait inconnu...

Alors qu'ils étaient rentrés ensemble au pays et qu'on ne tarderait pas à parler d'eux aux informations, Esse et Matt s'étaient séparés pour regagner chacun leur maison, leur toit et surtout l'être qu'ils aimaient. Esse était retournée chez elle, dans l'appartement partagé avec son Micka, et lui arrivait enfin dans cette rue si familière qu'il avait parcourue tant de fois pour venir rejoindre Sydney et passer des moments intimes qu'il n'oublierait jamais.
Tout lui paraissait nouveau, tout avait un goût différent pour Matt. Ce qu'il avait vécu avait changé sa vision des choses, c'était naturel. Aujourd'hui bien plus que n'importe quel jour, il craignait de perdre ce qu'il avait de plus cher à son coeur.

La boule au ventre, il entra dans l'immeuble, appuya sur le bouton de l'ascenseur et entra lorsqu'il s'ouvrit devant lui. Esseyant de respirer calmement, son coeur fit un bond lorsque les portes se rouvrirent et qu'il se trouva face à cette porte qui à présent avait une importance toute particulière. Derrière elle se cachait la vérité et il craignait plus que tout de la voir en face, si elle n'était pas celle qu'il espérait...

Il songea qu'entrer sans prévenir effrayerait bien trop Syd, et de toute façon, elle avait dû fermer à clé. Il sonna et attendit, la peur au ventre, qu'une jeune femme plus belle que jamais vienne lui ouvrir.

Syd regardait la télé, roulée en boule sur le canapé. Tout du moins, elle essayait de concentrer son attention sur le programme mais son esprit s'évadait, comme d'habitude depuis la disparition de Matt.
C'est ainsi qu'elle désignait son décès, ne pouvant le qualifier de mort, un mot qu'elle écartait de son vocabulaire. Elle refusait cet évènement, bien que dans un éclair de lucidité parfois elle savait qu'elle devait se résoudre à voir les choses en face, que les miracles n'arrivent que dans les contes de fées. Et les contes de fées elle n'y croyait plus…
Trop de temps était passé maintenant depuis le tremblement de terre, et les corps enfouis avaient été exhumés, dont la plupart méconnaissables. Sydney savait que Matt et Esse en faisaient partie, mais elle refusait d'y penser. Y penser c'était accepter, et elle en était pour l'instant incapable…

Micka, lui, était plus fort. Il avait pleuré avec elle, avait du voir un psy en prison pour surmonter le choc, mais ensuite il s'était ressaisi et avait pris la vie à bras le corps, refusant de sombrer comme il l'avait déjà fait.
Sydney pensait que c'était excessif, il s'étourdissait en sorties diverses, faisait mille choses à la fois, sans doute pour rattraper le temps perdu. Il est vrai qu'il avait manqué de liberté si longtemps, enfermé dans un univers carcéral qu'il avait besoin d'oublier. Mais tout ceci ne semblait pas très naturel ni très sain à la jeune femme. Elle doutait même qu'il s'amusât vraiment…

Syd soupira et éteignit le téléviseur. Encore une fois elle n'avait pas suivi le film, dans l'incapacité même d'en relater une parcelle. Au début, elle n'allumait pas la télé et se contentait d'écouter de la musique, mais sa sensibilité l'amenait à écouter des morceaux lui rappelant des souvenirs amoureux ou des mélodies mélancoliques qui la faisaient invariablement pleurer. Elle avait donc abandonné et s'était tournée vers les programmes des diverses chaînes. Mais, comme pour la lecture qui l'amenait à relire sans cesse la même ligne à plusieurs reprises, impossible de se fixer sur le sujet…

La jeune femme se leva et se dirigea vers la cuisine, pensant se faire une tisane pour trouver le sommeil plus facilement. Elle remplissait la bouilloire d'eau quand on sonna à la porte.
Elle regarda sa montre : il était tard… Sans doute Micka qui venait la voir avant l'une de ses innombrables sorties. Il passait souvent, s'inquiétant de sa santé, restait avec elle un moment, cherchait vainement à l'entraîner avec lui pour lui changer les idées, et partait on ne sait où.
Sydney regarda sa tenue, jupe et top à bretelles, et grimaça. Elle aurait du se vêtir pour la nuit, ayant ainsi un argument tout prêt pour refuser de sortir et prétexter qu'elle allait justement aller se coucher. …Parce qu'il allait insister, comme d'habitude !

Elle posa la bouilloire et alla déverrouiller la porte, arborant un mince sourire avec une phrase toute prête dans la tête :

*Non, Micka, je ne sors pas ! Pas la peine d'insister !*

Elle ouvrit en grand le battant, prête à lui débiter sa petite formule habituelle, et son sourire disparut. Sa main se posa sur sa poitrine comme pour en ôter le poids qui l'opprimait et modérer les battements désordonnés qui malmenaient soudain son coeur, alors que sa bouche s'entrouvrait pour chercher de l'air, le sang quittant son visage.

Les yeux agrandis, elle dévisageait intensément le jeune homme qui lui faisait face, sans dire un mot, ne cessant de le fixer de peur que le visage aimé ne disparaisse si elle baissait les paupières.
Elle tenta de parler, mais seul un sanglot étouffé franchit ses lèvres tandis qu'elle s'avançait d'un pas, les jambes chancelantes. Une main qui tremblait tout autant se posa sur le torse de Mathias, besoin irrépressible de le toucher, de s'assurer qu'il n'était pas qu'une illusion...
Enfin des larmes salvatrices vinrent libérer sa poitrine oppressée et elle lâcha son regard pour se serrer contre lui, se blottissant au plus près pour se fondre en lui.

Matt… murmura-t-elle faiblement, perles de pluie et sourire mêlés.

Le coeur de Matt battait la chamade. L'attente lui semblait interminable, il se demandait bien si la personne à l'intérieur allait enfin venir lui ouvrir. Il avait vérifié, en venant, qu'il y avait bien des lumières dans l'appartement. Malgré l'heure déjà tardive, il avait été heureux de constater qu'effectivement, ce lieu était encore habité et qu'il avait une chance de tomber sur quelqu'un. Il ne savait bien entendu pas s'il s'agissait de Sydney, mais au moins il avait une chance sur deux.

Attendre là, devant la porte fermée, était une véritable torture. Qui allait-il trouver ? Sydney, ou un parfait étranger qui l'enverrait paitre pour son impolitesse ? Et si c'était effectivement Sydney, comment allait-elle réagir ? Avait-elle seulement cru qu'il pourrait encore être vivant ? Avait-elle seulement pensé qu'elle devait l'attendre pour le retrouver ? Ou avait-elle déjà tourné la page ?
Le pire pour Matt serait d'apprendre qu'elle était allée se réfugier dans les bras de ce Kevin avec qui elle était toujours amie bien que Matt n'apprécie guère la compagnie qu'il offrait à sa petite amie.
Quoi que, s'il était arrivé quelque chose à Sydney, ce serait sûrement la chose la plus horrible qu'il ait à vivre. Il n'osait même pas y penser, à vrai dire.
Devoir vivre sans elle, qu'elle soit morte seule et sans aucune personne pour l'accompagner dans ces derniers instants étaient une pensée insupportable pour Mathias.

Il attendait toujours, pensant qu'il allait finir par faire une attaque si son coeur ne se calmait pas un peu. Mais ce fut l'apothéose quand il entendit des pas s'approcher de la porte et la clé tourner.
Il eut un sursaut quand la porte s'ouvrit en grand et qu'il vit sa chère et tendre sur le pas.
Evidemment, elle ne s'attendait pas à le voir lui. Elle en fut manifestement plus que surprise, posant une main sur sa poitrine et écarquillant les yeux. Son visage pâlit, Matt se demanda si elle allait tomber dans les pommes.
Mais après quelques secondes, elle sembla reprendre ses esprits. Elle vint poser une main sur son torse alors que lui n'osait pas la toucher de peur d'une découverte malheureuse. Il croyait rêver, lui aussi, elle lui avait tant manqué et il avait tant craint qu'elle ne serait pas si heureuse de le voir.
Une exclamation s'était échappée d'entre ses lèvres et elle semblait réellement fébrile. Sans le quitter des yeux, elle s'était avancée et l'avait touché, puis enfin, des larmes coulèrent, semblant la soulager, et elle vint se blottir contre lui en prononçant son nom d'une voix faible.

Ces paroles rendirent Matt plus fragile encore qu'il ne l'était. Elles signifiaient qu'il n'avait pas rêvé, que Syd était bien là, heureuse de le voir, heureuse de le toucher, surprise aussi...
Alors qu'elle s'était collée à lui, il mit quelques secondes avant de l'entourer à son tour de ses bras. Il avait tant craint de la perdre une nouvelle fois.
Il posa ses mains d'abord dans son dos puis, se relaxant quelque peu, il le lui caressa avant de venir toucher ses bras pour l'écarter un peu de lui. Il voulait la regarder, la voir et toucher son visage pour être certain qu'elle était bien là. Il n'avait pas encore prononcé un mot, que ses mains vinrent caresser les joues humides de sa dulcinée. Il ne se lassa pas de la regarder et lui adressa un sourire rassurant. Nul besoin de mots en cet instant, tout était inscrit dans leurs yeux à tous deux.
Enfin, doucement, il s'approcha d'elle et vint poser ses lèvres délicatement sur les siennes, lui donnant un baiser bien chaste pour des retrouvailles tant attendues. Il voulait savourer cet instant, il avait besoin de se calmer un peu et de reprendre ses esprits avant de se laisser aller à tous ces sentiments qui l'envahissaient, mélange d'attente, d'amour, d'envie et de passion qui l'animaient chaque fois qu'il la voyait mais qui étaient aujourd'hui décuplés tant le manque s'était fait ressentir.

Après l'avoir embrassée à la façon du premier baiser d'un adolescent, il la reprit dans ses bras et la serra fort contre lui. Un long soupir de bien-être et de soulagement se fit entendre. Enfin, il pouvait parler lui aussi.

Mon ange... mon amour... je suis là maintenant... c'est enfin fini... pardonne-moi... dit-il, intriguant. Pourquoi s'excusait-il ? De l'avoir fait attendre, de l'avoir inquiétée, de l'avoir rendue triste et malheureuse. Parce qu'il en était certain maintenant, elle ne l'avait pas oublié, elle l'avait "attendu", sans être certaine qu'elle le reverrait un jour... et pourtant elle était bien là, rien que pour lui.
Il déposa un peu partout sur son visage de petits baisers, aimant la toucher et la sentir, oubliant qu'ils étaient encore sur le pas de la porte, parce que plus rien d'autre n'existait et n'avait d'importance.

Son corps contre le sien et enfin le contact rassurant de ses bras protecteurs…
Sydney n'était plus seule à affronter ses peurs, ses angoisses et sa solitude. Tout s'effaçait, sa solitude d'abord puisqu'il était là, et la terreur immonde qu'elle avait eue qu'il se soit vu mourir, qu'il ait eu peur de mourir, que sa mort ait été lente et pleine de souffrance, qu'il ait été séparé de sa sœur et impuissant… Esse…

Matt lui caressa le dos puis la prit par les bras pour l'écarter de lui. Ses mains se portèrent aux joues humides de Sydney qui le regarda d'un air inquiet.

Esse ? murmura-t-elle.

Mais Matt ne parlait pas, seul un sourire rassurant vint éclairer son visage. Pas d'angoisse dans ces yeux-là, Esse allait bien, elle devait être là aussi et Sydney se livra entière aux envoûtants iris hétérochromes qui donnait au jeune homme un regard si particulier.

Enfin il se rapprocha d'elle à nouveau et posa ses lèvres délicatement sur les siennes en un sage baiser, presque un baiser timide, une première fois...
Sydney ferma les yeux et Matt la reprit contre lui en la serrant fort, et elle se blottit à nouveau contre lui pour retrouver la chaleur rassurante de son étreinte.
Le jeune homme laissa échapper un soupir auquel répondit celui de Sydney, enfin détendue bien qu'encore infiniment fébrile. Il lui faudrait sûrement encore un moment avant de se remettre du choc qu'elle venait d'avoir.

"Mon ange... mon amour... je suis là maintenant... c'est enfin fini... pardonne-moi..." dit-il à la jeune femme surprise par ses derniers mots.

Pourquoi lui pardonner, qu'avait-il fait ? La jeune femme se demanda s'il aurait le courage de parler de ce qu'il avait vécu là-bas. Elle-même avait vu les maisons et les bâtiments effondrés, les corps torturés, elle avait du se rendre au centre médico-légal afin de "reconnaître" éventuellement les corps de Mathias et d'Esméralda. Ces souvenirs là elle ne les oublierait jamais, ni la culpabilité qu'elle ressentait à chaque soulagement de constater que ce n'était ni Matt ni sa sœur qui gisaient là, figés dans la mort.

Je n'ai rien à te pardonner, mon amour. Tu es là, c'est tout ce qui m'importe. dit-elle en se reculant pour le regarder. Elle jeta un coup d'œil derrière lui et ne vit pas la petite sœur de Matt.

Esse est avec Micka ? demanda-t-elle en le prenant par la main pour l'attirer à l'intérieur. Viens, entrons…

Sydney espéra pour la jeune fille que Michael était bien chez lui et qu'Esse n'allait pas trouver l'appartement vide. Son amie serait tellement déçue de ne pas l'y trouver à son retour…

Elle referma la porte derrière eux, entraîna Matt dans le salon et se jeta à son cou avant de lui demander s'il souhaitait prendre quelque chose.

Tu as mangé ? Tu veux que je te prépare quelque chose ? Tu es fatigué ? Tu veux aller dormir ?

Sydney était décontenancée. Habituellement elle savait de quoi il avait besoin. Mais là il parlait peu et elle ne savait quoi faire pour se rendre utile. Il avait vécu des moments difficiles sans elle et elle ne pouvait partager ces instants, ne sachant rien des souffrances que lui et sa sœur avaient endurées là-bas ni pourquoi ils revenaient si tard. Qu'est-ce qui avait bien pu les retenir si longtemps ? Ou qui ? Et pourquoi ?

Matt sentit entre ses bras le corps de Sydney se relâcher et se détendre. Il était certain à présent que sa mort éventuelle la briserait… l’avait brisée, déjà. Drôle de pensée ? N’était-ce pas évident qu’elle l’aimait ? Sans doute que si, mais Matt doutait toujours de tout, sous ses airs d’homme sûr de lui et confiant. Il aimait Sydney comme il n’avait jamais aimé. Il lui avait tout donné, son corps, mais bien plus important encore, son âme. Jamais il n’avait donné pareille chose à une femme. Sa première petite amie, du moins la première pour qui son cœur s’était mis à battre, qui l’avait blessé au plus profond de lui-même en le trompant, n’avait toutefois pas provoqué un tel phénomène chez lui. Matt était éperdument amoureux de Sydney et la perdre lui serait totalement intolérable. Il avait failli la perdre une fois et savait parfaitement l’effet que cela pouvait lui faire. Une fois suffisait.

Oui, leurs corps se retrouvaient, leurs âmes également. Bientôt ils ne feraient plus qu’un et pas seulement en unissant leurs corps mais aussi en se retrouvant, en s’appropriant l’un l’autre, en se sentant, se touchant. Ils seraient à nouveau unis par ce lien invisible mais bien plus puissant que n’importe quelle corde. L’amour. Un amour qui ne faisait que grandir un peu plus chaque jour. Matt se demandait même parfois jusqu’où ça pouvait aller. Mais là, tout de suite, il se sentait juste bien. Heureux. Et surtout soulagé. Soulagé qu’elle soit toujours là, saine et sauve, qu’elle soit toujours à lui, amoureuse et heureuse de son retour. Un réel soulagement de ne pas la perdre.

Quand il l’écarta un peu de lui pour la regarder, il vit son œil inquiet. Elle demanda après sa sœur, mais sembla comprendre par le regard du jeune homme que sa sœur était saine et sauve, elle aussi. Il ne serait pas si heureux, sinon. Sa vie sans Sydney était une chose horrible qu’il n’osait imaginer mais il aurait beaucoup de mal également s’il venait à perdre sa sœur. Elle était parmi ce qu’il avait de plus cher au monde, elle aussi. Et il avait a failli la perdre à deux reprises. Deux reprises douloureuses puisque c’est elle-même qui avait souhaité en finir. D’ailleurs, il espérait que Micka serait dans le sillon de Sydney et accueillerait sa sœur comme il se devait. Il la savait encore très fragile et se demandait bien si elle tiendrait le coup s’il s’avérait que Micka ne voulait plus d’elle. Mais tout cela était pensée inutile, Micka était dingue d’Esméralda autant que Matt de Syd, il n’y avait pas de raison de s’inquiéter.

Quand il la serra contre lui, il poussa un soupir auquel elle répondit et elle se détendit complètement. Enfin enlacés, proches l’un de l’autre, ils étaient bien et Matt prit la parole. Il lui demanda de lui pardonner la peur et la tristesse qu’elle avait dû ressentir… Il s’en voulait de lui avoir infligé pareille épreuve, voyant l’état dans lequel elle était aujourd’hui.
Elle lui dit toutefois qu’elle n’avait rien à lui pardonner puisqu’il était là à présent. Il lui sourit tendrement tandis qu’elle jetait un œil au dehors. Puis elle lui demanda où était Esse, tandis qu’elle l’attirait vers l’intérieur en refermant la porte derrière eux.

Oui, elle y est allée directement. On a bien pensé faire des retrouvailles groupées mais… on s’est dit que l’intimité n’était pas mal non plus… répondit-il l’œil brillant et un sourire coquin aux lèvres, tandis que Syd, la porte à peine fermée, se pendait à son cou.

Elle lui demanda ensuite s’il avait faim ou s’il voulait dormir. Il eut un petit rire devant l’assortiment de questions qu’elle lui servait. Il la regarda encore un instant, ne se lassant pas de voir ce beau visage enfin en face du sien. Ses yeux parcoururent le moindre trait de sa tête, observant courbes et grain de peau, comme pour en imprimer chaque détail dans son esprit. Il avait tant de fois parcouru son visage de mémoire, c’était bon de se l’offrir en vrai, enfin. Il la caressa tendrement, fou amoureux. Il ne savait même pas ce dont il avait envie… façon de parler évidemment. Voulait-il prendre son temps ? Lui sauter dessus ? Il était fatigué oui mais l’envie de la serrer un peu plus dans ses bras, de sentir sa peau glisser et caresser la sienne était bien plus forte encore.

Tu es belle… dit-il alors simplement avant de venir l’embrasser tendrement, un baiser moins chaste que le premier, empreint de poésie et d’une tiédeur qui l’envahissait tout entier. Une douce chaleur monta en lui et il ne put interrompre le flot de caresses de ses lèvres contre les siennes. Sa main non plus ne s’interrompit pas sur le long chemin de sa hanche jusqu’à son soutien-gorge, sous ses vêtements. Il ne sépara ses lèvres des siennes que pour parler un court instant.

Tu veux attendre… ? Ou non ? demanda-t-il, un petit ton gentiment moqueur, de lui-même, dans la voix, avant de reprendre là où il s’était arrêté il y a à peine quelques secondes.
Je t’aime… tu m’as manqué… glissa-t-il entre ses lèvres avant d’y passer la langue pour venir caresser la sienne.

Sydney apprit avec soulagement qu'Esméralda allait bien et était allée directement à l'appartement qu'elle partageait avec Michael. Elle ressentit sur le moment une certaine crainte qui vint assombrir momentanément la joie de revoir Matt en bonne santé. Elle ne savait pas si cette inquiétude était justifiée ou non, Micka ne lui racontait pas sa vie. Mais elle n'était pas sans savoir qu'il sortait beaucoup et comme il semblait aller mieux qu'elle Syd se demandait quelle en était ou quelles en étaient les raisons, n'ayant pas oublié qui était le Michael d'avant Esméralda. Elle souhaita fortement qu'Esse y trouve son fiancé seul et aussi amoureux qu'au premier jour.

Puis Sydney chassa ces pensées pour s'intéresser à nouveau aux besoins de Matt qui devait sans doute être fatigué. Elle se faisait des idées, Micka n'était plus le Micka qu'elle avait connu au début et il était totalement fou d'Esméralda, il n'y avait aucune raison pour que cela change, pas plus que les sentiments qu'elle éprouvait pour Mathias pensa-t-elle rassurée.

" Tu es belle ", dit Matt en l'embrassant tendrement, lui faisant oublier tout ce qui n'était pas lui.

Un baiser plus sensuel que le précédent et qui mit la jeune femme en émoi. Le genre d'étreinte qui hantait ses nuits quand elle rêvait de Mathias alors qu'elle le croyait perdu pour elle et qui la faisait se réveiller vide et solitaire, réalisant son absence définitive, tellement seule et perdue sans lui…
La main du jeune homme glissa le long de sa hanche et remonta lentement sous son débardeur, en quête d'une agrafe à détacher. Leurs lèvres se séparèrent uniquement le temps que Mathias lui demande si elle voulait attendre, ou non, revenant aussitôt chercher sa bouche sans attendre de réponse.

" Je t’aime… tu m’as manqué…" glissa-t-il entre ses lèvres avant d’y passer la langue pour venir caresser la sienne.

Sydney frissonna, troublée autant par son contact que par les paroles qu'il avait prononcées et qu'elle n'attendait plus depuis si longtemps. La main de la jeune femme vint caresser doucement sa nuque en un geste familier tandis qu'elle soupirait d'aise sous le baiser, participant ardemment et faisant augmenter sensiblement sa chaleur corporelle.
Inutile de lui dire aussi qu'il lui avait manqué, il avait du lire la souffrance endurée sur son visage.

Cette souffrance était en train de disparaître, lentement. Une blessure de ce type ne s'efface pas en quelques secondes, on a peur, on craint de rêver et de se rendre compte que tout ce bonheur n'était qu'illusion, mais le réveil ne venant pas elle finit par s'estomper doucement, on se rassure.
Et Matt avait manifestement entreprit de la délivrer de ses craintes et de ses angoisses. Ses mains sur elle, la chaleur de son corps contre le sien, la façon dont il lui avait demandé si elle voulait attendre ou non avec ce petit air moqueur qu'elle lui connaissait bien, tout ceci était réalité.

Sydney sourit intérieurement. Elle se livrait totalement à lui, il devait bien le sentir, d'où le ton taquin de la question.
Elle recula un peu son visage du sien et lui répondit d'un ton malicieux.

Je pense qu'on a déjà perdu beaucoup de temps à attendre, mais si tu préfères te reposer d'abord je n'y vois pas d'inconvénient.
Attendre quoi, d'abord, et pourquoi faire ? demanda-t-elle enfin d'un air faussement innocent.

Elle glissa ses mains dans son dos pour aller caresser sa peau nue, retrouvant la tiédeur et le grain que ses doigts reconnurent avec délectation, et poussa un soupir qui ne laissa aucun doute sur les sensations éprouvées. Elle ne tarda pas à empoigner les bordures de son t-shirt et le lui passa prestement au-dessus de la tête, parcourant maintenant son torse de ses doigts, repartant à la découverte de chaque centimètre du corps de Matt, se l'appropriant à nouveau tandis qu'elle levait vers lui des yeux chavirés par l'émotion.

Je t'aime aussi… murmura—t-elle d'une voix très basse.